Samedi 20 avril, rencontre avec Lauranne Pardoen, scénariste, comédienne et marionnettiste.
Comme de coutume en fin de résidence, Lauranne Pardoen, scénariste, comédienne et marionnettiste, nous a présenté son travail. Elle nous a réjoui avec des textes poétiques inédits qu’elle a créés pendant son séjour sur l’île .
Lauranne écrit des spectacles et les met en scène. Elle a créé sa propre compagnie de Théâtre, (le site de sa compagnie : www.daddycie.com), pour petits et grands. Son dernier spectacle, Amamer, épopée onirique d’un enfant-phare à la recherche de sa mère absente, a été joué plus d’une quarantaine de fois en France et en Belgique. Ce projet devait être finalisé lors d’une résidence sur l’île Wrac’h en 2020. Pour raison de pandémie il a dû être repoussé et s’est concrétisé fin avril 2024… Finalement arrivée de Belgique, Lauranne innove et change son projet de texte de théâtre. Elle décide de s’essayer à l’écriture automatique se laissant porter par la magie du lieu, la vie dans cette solitude, elle écrit … et nous donne l’ébauche de ce qui sera son premier recueil poétique intitulé “Phares Away”. Vraiment enthousiasmée par son inspiration poétique, la découverte d’une nouvelle forme d’écriture, son séjour et l’accueil, elle souhaiterait renouveler l’expérience et y continuer sur cette nouvelle voie découverte au phare !
Lauranne a eu la gentillesse de nous faire parvenir, en toute première, des extraits de sa création qui illustre la qualité, la profondeur créative de son écriture, une nouvelle facette de son talent !
Extraits
…La mer a déjà bien reculé depuis mon réveil.
On commence à percevoir les longues et rectilignes bandes de métal. Ces longs banquets
d’huîtres dont les sacs d’acier regorgent, apparaissent. L’Atlantide se dresse, les eaux fuient et
filent le long des tables en de fins ruisseaux et en de larges nappages avec la force de l’attraction
pour le large. L’eau salée et claire, en se retirant crée des mouvement arrondis comme si elle
beurrait délicatement et lentement le sable couleur crème.
Une sorte d’Atlantide de l’ostréiculture. Un parc à coquillages émerge de sous les eaux.
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Ici, rien se sèche jamais. Comme des larmes immortelles.
Si une goutte est tombée sur la table, l’évier ou le sol, elle restera là jusqu’à ce qu’un animal la
lèche ou jusqu’à ce qu’un coup de torchon fasse table rase du passé.
L’éponge mouillée une fois semble imbibée à vie. Ça peut sembler pratique mais gare où l’on
pose le coude emmailloté de laine, l’enveloppe en velours carmin de la bouillotte, le bouquin
corné. Tout est piège d’humidité. La laine ne séchera que le lendemain, si pas par le soleil, par le
vent. Si cette masse d’air n’est accompagnée elle aussi d’une perlée humide ou d’une rafale
trempée.
J’apprends à cohabiter avec les araignées. Elles sont nombreuses ici. Le corps gros et bombé
comme une olive noire, les longues pattes arquées et musclées. Elles logent dans toutes les
crevasses du bâtiment. J’ai pris la résolution de ne pas regarder trop en détail les cavités aux
abords des fenêtres que j’ouvre et ferme chaque jour et chaque nuit. Je dérobe mon regard des
murs et des plafonds. Je ne baisse pas les yeux mais je ne cherche pas à les voir. Car comme un
tableau impressionniste où nous voyons une belle image de loin, de près elle se révèle n’être que
des points.
Laurane Pardoen
Résidence du 8 au 20 avril 2024
Îles et Phares du Pays des Abers